The Bridge

Traverser l’océan

C’est un nouveau défi, une course entre un des plus gros navire du monde, le Queen Mary II et quatre maxi-trimarans, ceux de Thomas Coville (recordman du tour du monde en solitaire), François Gabard, Francis Joyon (détenteur du trophée Jules Verne) et Yves le Blévec. Ils ont quitté Saint-Nazaire le 25 juin en direction de New York. La traversée pourrait durer une semaine. Qui sera le plus rapide, le monstre ou une des quatre puces accrochée à ses basques ?

Un nouvel épisode d’une longue histoire…

Nos ancêtres celtes tenaient le rivage de l’océan pour la fin de la terre (Finistère). Au-delà c’était le pays des morts. On ne se bousculait donc pas.

En 1492 eut lieu la première traversée, ou du moins officiellement enregistrée comme telle  : la Santa Maria, la Pinta et la Niña emmenèrent en trois mois Christophe Colomb et ses équipages aux Antilles.

Il y avait eu déjà la légendaire : Eric le Rouge et ses Vikings auraient atteint le Groenland en 982. Et dix ans plus tard, son fils Leif Eriksson aurait abordé le Vinland (Terre-Neuve).

L’archéologique : le Râ II, radeau en tiges de papyrus de Thor Heyerdahl (1970), partit d’Afrique et atteignit la Barbade en 57 jours… décidément les premiers étaient peut-être bien Égyptiens.

En solitaire ? L’exemple fut donné par Alfred Johnson (1876). Il partit de Shake Harbor en Nouvelle Écosse et parvint à Abercastel au Pays de Galles en seulement 46 jours.

Les sportifs ? George Harbo et Frank Samuelson, à la rame, s’il vous plaît, partirent de New York et s’accordèrent le luxe de remonter la Seine jusqu’à Paris (1896)… en 55 jours !

Un farfelu ? Le Journal des Voyages du 5 janvier 1879 annonce « qu’un Américain projette une traversée des plus audacieuses ; il parie qu’il fera le trajet de New York à Paris sur un vélocipède. L’appareil dont il veut se servir et qui est connu sous le nom de vélocipède à deux fins, a été inventé tout récemment par un mécanicien de New York. Il peut être employé à la locomotion sur terre aussi bien que sur l’eau ; c’est à la fois une voiture et une embarcation. La force motrice est fournie par la manœuvre du conducteur opérant sur un levier, en même temps que le poids du corps est utilisé. La vitesse est évaluée en moyenne à 6 milles sur l’eau et 12 milles sur terre ».

Passons donc aux choses sérieuses, c’est-à-dire commerciales. Le XIXe siècle ouvre le temps de la vapeur, des paquebots géants et du transport de passagers payants sur des lignes régulières. Les compagnies transatlantiques créent le Ruban Bleu, destiné à récompenser le navire effectuant la traversée la plus rapide. Le Sirius en est le premier détenteur en 1838.

Le Great Eastern (1858-88), d’abord appelé Léviathan, lancé en 1858, était le plus grand navire à vapeur jamais construit. Long de 217 m sur 25 m de large, il était formé de deux coques concentriques en fer laminé, qui lui assuraient à la fois solidité et légèreté. Aménagé en paquebot de luxe, il pouvait recevoir 800 passagers en première classe, 2 000 en seconde et 1 200 en troisième. Son premier voyage fut pour New York où il entra au milieu des acclamations, mais cette énorme machine n’inspirait pas confiance, et le paquebot n’eut jamais assez de passagers pour être rentable.

Avaient-ils tort de n’avoir pas confiance ? en tout cas, ils eurent bien tort, ceux qui montèrent à bord du Titanic, garanti insubmersible, et qui finit son voyage contre un iceberg.

Le Queen Mary II, 345 m de long pour 150 000 tonnes, a une vitesse de croisière de 51 km/h. Il devrait normalement l’emporter sur les voiliers qui dépendent du bon vouloir des vents.

C’est volontairement que nous n’avons pas donné le nom des trimarans. Qu’un assureur ou un fabricant de conserves subventionne des courses et des défis sportifs, rien de plus légitime, mais jusqu’au siècle dernier, ils avaient le sens du ridicule et n’affublaient pas les bateaux de leur nom. Si le Titanic s’était appelé Conserveries réunies, aurait-on pu en faire un film ?